La simple combinaison d’un ETF Monde et d’un fonds en euros constitue-t-elle un portefeuille performant et efficace ? Oui, à condition d’être prudent.
Sommaire
Un ETF permet de s’exposer à un marché actions via son indice de référence. Ainsi, un ETF CAC40 répliquera le CAC40 et permettra de s’exposer aux actions françaises. De même, un ETF S&P500 permettre une exposition aux actions des USA via son indice S&P500.
Un ETF permet une exposition passive à un marché dans la mesure où son objectif est de répliquer un indice et non de le battre, comme l’ambitionne la gestion active (la plupart des OPCVM sont gérés activement).
Gestion active et gestion passive en finance
La gestion active a pour objectif de surperformer le marché de référence (appelé « benchmark ») du portefeuille géré. Le gestionnaire, à l’aide de divers outils d’analyse, va sélectionner de manière discrétionnaire les produits, titres ou secteurs les plus susceptibles de croître plus vite que le marché.
Ce mode de gestion, en opposition à celui de gestion passive, concerne donc tous les fonds et portefeuilles qui ne visent pas à reproduire la performance d’un marché de référence, mais à faire mieux que ce dernier. La majorité des fonds utilise ce mode de gestion.
À l’inverse, la gestion passive ou indicielle a pour objectif de répliquer fidèlement les performances d’un marché de référence (par exemple un indice tel que le CAC 40 ou le Dow Jones). La méthode utilisée consiste généralement à répliquer en miniature l’indice de référence : par exemple un fonds CAC 40 sera constitué des 40 valeurs de l’indice, pondérées selon la taille de leur capitalisation.
Ce type de gestion nécessite nettement moins de travail de recherche pour le gérant, elle est souvent partiellement automatisée. De plus, les frais sont généralement moins élevés en raison d’un nombre moins important de transactions réalisées pour sa gestion.
source : ABC Bourse
L’essor des ETF s’explique par la difficulté des fonds à battre leur indice de référence. En conséquence, mieux vaut investir dans l’indice.
C’est un argument discutable puisque l’objectif d’un portefeuille n’est pas de battre un indice mais d’optimiser le couple rendement-risque en fonction de la tolérance au risque, des objectifs et de l’horizon temporel. Cet objectif peut être atteint avec ou sans ETF.
L’argument du faible coût des ETF est en revanche plus pertinent. S’il est possible d’atteindre le même objectif avec des OPCVM chargés en frais et des ETF à frais très faibles, autant privilégier les ETF.
Quoi qu’il en soit, les ETF se sont considérablement développés depuis une vingtaine d’années et ils sont l’élément de base du Lazy Investing, notamment popularisé en France par Nalo et par Édouard Petit. D’après Nalo, l’approche Lazy Investing peut être définie comme
« Une méthode d’investissement consistant à effectuer peu d’arbitrages et à laisser l’investissement fructifier naturellement sur le long terme. En d’autres termes, il s’agit d’investir dans des actifs boursiers de façon passive. »
Or, certains adeptes du Lazy investing suggèrent ainsi que l’investissement dans un simple ETF Monde constituerait un portefeuille tout à fait acceptable. Ce portefeuille ne serait pas optimal mais son couple rendement risque serait tout à fait honorable et sa simplicité plaiderait en sa faveur. Nul besoin de gérer son portefeuille et de le rééquilibrer régulièrement, nul besoin de faire appel à un professionnel.
Édouard Petit considère pour sa part qu’
« un portefeuille composé uniquement d’un ETF Monde et d’un bon fonds en euros a[vait] toutes les chances d’avoir une performance excellente »
.
Qu’en est-il vraiment ?
Pour suivre les marchés actions mondiaux de manière synthétique, deux indices semblent à privilégier :
Les ETF MSCI World étant plus accessibles dans les contrats d’assurance vie, c’est l’indice qui sera retenu. Pour mémoire, cet indice a progressé de 7 % par an sur les 15 dernières années (du 6 novembre 2005 au 6 novembre 2020), avec néanmoins une volatilité (élevée) de 17 %.
Pour répliquer cet indice et procéder à des comparaisons et des évaluations, un ETF disponible dans de nombreux contrats d’assurance vie a été retenu.
Afin d’évaluer les performances de cet ETF Monde, un portefeuille est construit avec cet unique fonds.
D’après l’outil Quantalys, le portefeuille composé uniquement d’un ETF Monde se caractérise par un rendement attendu de 7,3 % et une volatilité attendue de près de 25 %.
Si le rendement est élevé, ce portefeuille n’est pas optimal. Il est possible d’obtenir un rendement attendu équivalent avec une volatilité attendue significativement moindre.
Ainsi d’après les hypothèses retenues par Quantalys, un portefeuille composé de 10 % d’actions France, 30 % d’actions Europe, 35 % d’actions États-Unis, 10 % d’actions Pacifique, 15 % d’actions Émergentes procurerait un rendement attendu de 7,3 %, avec une volatilité de 15 %.
Un ETF Monde seul n’est donc pas à recommander.
S’il n’est pas conseillé de limiter son portefeuille à un ETF Monde, ses performances en termes de couple rendement-risque s’améliorent-elles lorsqu’il est combiné avec un fonds en euros ? Le portefeuille se rapproche-t-il de la frontière efficiente de Quantalys ?
La frontière efficiente Quantalys
Harry Markowitz a théorisé la frontière efficiente dans un article fondamental paru en 1952, à l’origine de la théorie moderne de portefeuille. Au sein d’un univers d’investissements à risque, Markowitz s’est attaché à la façon de construire les meilleures combinaisons d’investissements.
Pour tracer la frontière, toutes les combinaisons possibles des classes d’actif utilisées sont calculées et ne sont retenues que les combinaisons optimales : une combinaison est optimale si, à risque attendu donné (mesuré par la volatilité), il n’existe aucune autre combinaison offrant un rendement attendu supérieur ; ou si, à rendement donné, il n’existe aucune autre combinaison offrant un risque attendu inférieur. Ces combinaisons optimales tracent une courbe dans un espace à deux dimensions (risque attendu et rendement attendu) appelée Frontière.
source : Quantalys
75 % ETF Monde – 25 % fonds en euros
Le couple rendement risque s’améliore lorsqu’une part de 25 % de fonds en euros est introduite dans le portefeuille. L’écart à la frontière se réduit mais reste encore significatif. Ainsi, il est possible d’obtenir le même rendement (aux alentours de 6 %) avec une volatilité de 11 % (contre 15 %).
50 % ETF Monde – 50 % fonds en euros
Les performances sont bien meilleures lorsque le portefeuille est composé pour moitié d’un ETF Monde et pour moitié d’un fonds en euros. Le rendement attendu est de 4,4 %, pour une volatilité de 8,5 % et le couple rendement-risque est très proche de la frontière efficiente.
25 % ETF Monde – 75 % fonds en euros
Les résultats sont encore meilleurs lorsque le portefeuille est composé à 75 % de fonds en euros et à 25 % d’ETF Monde. Le rendement attendu est de l’ordre de 3 % et la volatilité de 3,7 %, et le portefeuille se trouve sur la frontière efficiente. Il n’est donc en théorie pas possible d’obtenir mieux pour ce niveau de rendement et ce niveau de risque.
La combinaison ETF Monde et fonds en euros conviendra parfaitement aux investisseurs les plus prudents, qui recherchent une volatilité de leur portefeuille de l’ordre de 5 %. Elle sera également une option pertinente jusqu’à une volatilité de 10 %, ce qui correspond à un profil « équilibré ».
Cette combinaison ne sera en revanche pas adaptée aux investisseurs aux profils les plus dynamiques, ces investisseurs qui placent sur le long terme et recherchent à faire fructifier leur capital en prenant une part de risque.
SRRI et profil de risque
Le SRRI (Synthetic Risk and Reward Indicator) permet de mesurer le niveau de volatilité du fonds et le risque auquel votre capital est exposé. Il est exprimé sous la forme d’un nombre entier compris entre 1, pour les fonds les moins risqués, et 7, pour les plus volatils. Le niveau de risque le plus faible ne signifie pas « sans risque ».
Un profil défensif/prudent correspond généralement à un SRRI inférieur ou égal à 3 (sur une échelle de 1 à 7), soit un portefeuille dont la volatilité est inférieure ou égale à 5 %.
Un profil équilibré correspond généralement à un SRRI inférieur ou égal à 4, soit un portefeuille dont la volatilité est inférieure ou égale à 10 %.
Un profil dynamique correspond généralement à un SRRI inférieur ou égal à 5, soit un portefeuille dont la volatilité est inférieure ou égale à 15 %.
La combinaison d’un ETF Monde et d’un fonds en euros peut donc se révéler un portefeuille efficace et performant pour les plus prudents. Cela ne signifie pas pour autant qu’avec ce portefeuille, vous n’aurez rien à faire.
Vous devrez tout d’abord définir votre couple rendement risque de référence, à partir de votre profil de risque, de votre horizon de placement, et de vos objectifs. C’est ce couple rendement risque qui vous dira si un portefeuille « ETF Monde et fonds en euros » est pertinent pour vous.
Par ailleurs, même si vous retenez ce portefeuille, vous devrez le suivre. Ce n’est pas parce que votre portefeuille est composé de deux fonds que vous ne devez pas vous en occuper.
Comme tout portefeuille, sa composition évoluera et vous devrez le rééquilibrer régulièrement (revenir à la structure de départ). Cependant, plus votre portefeuille sera simple, plus le rééquilibrage sera rapide.
Si un portefeuille « ETF Monde et fonds en euros » est simple à mettre en place et peu compliqué à suivre, son principal mérite est ailleurs :
Un tel portefeuille vous montre que le plus important n’est pas le nom(bre) des fonds que vous mettez en portefeuille, puisque vous pouvez obtenir de très bons résultats avec deux fonds.
Le plus important, c’est de bien caractériser le couple rendement risque qui vous correspond et de bâtir ensuite un portefeuille cohérent avec ce couple de référence. Si vous ne savez pas comment faire, la prestation de gestion conseillée est pour vous.
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Titulaire d'un master en gestion de patrimoine et docteur en économie.