Baisse des prix : inflation négative ou déflation ?

par Arnaud Sylvain | Economie

Mar 01

Cet article a été publié en 2015. Si les explications sur la déflation restent valides, le contexte a évolué. Les taux négatifs ont fait leur apparition et la monnaie hélicoptère (une forme de Quantitative Easing pour les particuliers) n’est plus un sujet tabou. Gardez ces éléments à l’esprit en parcourant cet article.

La déflation, un poison mortel

L’Insee l’a annoncé le 19 février 2015, les prix à la consommation ont baissé sur un an (-0,4 %) pour la première fois depuis octobre 2009. Alors, inflation négative ou déflation ? Découvrez pourquoi les mots ont un sens.

 


Sommaire


Le recul des prix, un phénomène inhabituel

L’examen du taux d’inflation depuis 1999 révèle qu’une baisse des prix d’une année sur l’autre est plutôt rare. Ainsi, elle n’a été observée qu’entre mai et octobre 2009 (6 mois) et en janvier 2015.


Indice des prix à la consommation(glissement annuel)

Indice des prix à la consommation - France

note : Le glissement annuel de l’inflation correspond à la croissance de l’indice mensuel par rapport à sa valeur 12 mois plus tôt.


Lorsqu’il se produit, le recul des prix est qualifié d’inflation négative ou de déflation. Or, ces deux termes ne sont pas équivalents et envoient deux messages fondamentalement différents. Pour comprendre la différence entre inflation négative et déflation, il est important de rappeler la définition de l’inflation. D’après l’Insee, l’inflation correspond à une augmentation générale et durable des prix.

Si l’inflation doit être maîtrisée car ses conséquences sont néfastes lorsqu’elle est trop élevée, une croissance équilibrée s’accompagne d’une légère inflation (positive). Ainsi, alors que le rôle de la BCE consiste à stabiliser les prix, elle s’efforce de stabiliser l’inflation aux alentours de 2 % (et non de 0 %).

 

L’inflation négative, phénomène temporaire et localisé

Une baisse globale des prix peut provenir d’une baisse localisée de certains prix. Même si elle se prolonge quelques mois, il ne s’agira pas d’une situation de déflation. A l’instar de l’inflation, la déflation doit être générale et durable. En conséquence, un recul global des prix temporaire et provoqué par la baisse de certains prix ne correspond pas à une situation de déflation.

Comment nommer cette situation de baisse temporaire des prix ? En l’absence d’expression consacrée, l’oxymore « inflation négative » a été retenu. Le message véhiculé est alors clair : nous sommes toujours dans une dynamique d’inflation et son inscription en territoire négatif n’est que temporaire. Les anticipations d’inflation demeurent positives à moyen terme.

 

La déflation, durable et généralisée

Si l’inflation négative est un « accident » sans gravité, la déflation est une plongée dans l’inconnu aux conséquences potentiellement destructrices. La déflation correspond à une situation de baisse généralisée et durable des prix qui débouche sur une spirale dont il est extrêmement difficile de sortir (le Japon s’y essaie sans succès depuis plusieurs décennies) :

  • L’anticipation d’une baisse des prix conduit les agents économiques à différer leurs achats.
  • Cette baisse de la demande se répercute sur les entreprises qui réduisent leurs dépenses d’investissement puis les salaires et/ou les effectifs. La baisse de la demande s’auto-entretient.
  • La situation est aggravée par un étranglement des ménages endettés : La contraction des salaires conduit à un accroissement du poids de l’endettement qui devient peu à peu insupportable.

 

Les dangers d’une spirale déflationniste

La déflation
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Sommes-nous en déflation ?

Le recul des prix qui a été observé en janvier 2015 devrait se prolonger sur le premier semestre. Comme en 2009 il s’explique essentiellement par la forte contraction des prix du pétrole. Comme en 2009, nous ne devrions donc pas tomber en déflation. Sauf que la situation économique de 2015 n’est pas celle de 2009 :

  • L’Italie et Espagne, deux grands pays de la zone euro connaissent une inflation très faible voire négative depuis plusieurs mois.
  • Alors que l’inflation sous-jacente était demeurée positive en 2009, elle atteint des niveaux historiquement faibles.

Inflation sous-jacente (glissement annuel)

Inflation sous-jacente

note : L’inflation sous-jacente exclut les tarifs publics et les produits à prix volatils. Elle est corrigée des mesures fiscales et des variations saisonnières. Le glissement annuel de l’inflation correspond à la croissance de l’indice mensuel par rapport à sa valeur 12 mois plus tôt.


  • Le taux de chômage est plus élevé qu’en 2009 et la croissance atone depuis 2012.
  • Face à ces facteurs négatifs, un élément positif pourrait cependant se révéler décisif : Afin de relancer l’inflation et la croissance économique, la BCE a en effet annoncé la mise en place d’un Quantitative Easing massif à partir de mars 2015. Plus de 1 000 milliards d’euros seront injectés dans les économies de la zone euro.

 

Dessine-moi l’éco : le Quantitative Easing

DME Quantitative easing
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Si nous ne sommes pas (encore) en déflation, ce risque ne peut cependant pas être exclu. En conséquence, il est important de tout mettre en œuvre pour l’éviter. L’économie reposant sur les anticipations des agents économiques et leur confiance dans l’avenir, il faut à tout prix éviter que les agents économiques n’anticipent une baisse durable des prix. Il s’agirait en effet de la première étape de la spirale déflationniste.

L’utilisation du terme « inflation négative » doit donc être privilégiée. En limitant implicitement la baisse des prix à un phénomène temporaire, une incitation claire à consommer est envoyée : les prix baissent, profitez-en. En revanche l’utilisation du terme déflation véhicule l’incitation inverse : Attendez avant d’acheter, les prix vont continuer à baisser.

La qualification de l’épisode actuel de recul des prix n’est donc pas neutre. Lorsque le terme de déflation sera couramment utilisé, vous saurez que le Quantitative Easing de la BCE aura échoué et qu’une spirale déflationniste se mettra en place. Vous devrez alors agir en conséquence et protéger la valeur de vos actifs, à défaut de pouvoir sécuriser vos revenus professionnels.

 

Arnaud Sylvain, conseiller financier indépendant

Titulaire d'un master en gestion de patrimoine et docteur en économie.

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