Le chômage est au centre des débats et des préoccupations depuis plus de trente ans et l’apparition du chômage de masse en France. Sa définition reste cependant mal connue, de même que les populations concernées. Voici donc quelques éléments d’analyse pour vous aider à y voir plus clair.
Sommaire
D’après la définition internationale adoptée en 1982 par le Bureau international du travail (BIT), un chômeur est une personne en âge de travailler (15 ans ou plus) qui répond simultanément à trois conditions :
Si les deux notions sont proches et parfois assimilées, les chômeurs et les demandeurs d’emploi sont deux populations distinctes.
Tous les mois, la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du Travail, de l’emploi et de la santé) et Pôle emploi publient conjointement une statistique des demandeurs d’emploi inscrits en fin de mois à Pôle emploi. Depuis mars 2009, la statistique mensuelle des demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi est disponible selon une présentation en cinq catégories (A à E).
2010 | 2012 | 2014 | |
---|---|---|---|
Cat. A | 2 702 300 | 3 133 200 | 3 500 700 |
Cat. B et C | 1 326 400 | 1 494 500 | 1 715 300 |
Cat. D et E | 593 500 | 617 800 | 661 900 |
Total | 4 622 200 | 5 245 500 | 5 877 900 |
source : Pôle emploi, Dares |
Conceptuellement, la catégorie A est celle qui est la plus proche de la définition du chômage au sens du BIT. Même si ces deux populations ne se recouvrent qu’imparfaitement, elles sont proches en niveau comme en évolution. L’analyse des demandeurs d’emploi de catégorie A fournit donc des informations relativement pertinentes sur les chômeurs au sens du BIT.
Le chômage est mesuré à partir de l’enquête Emploi menée par l’INSEE. Chaque trimestre, environ 100 000 personnes de 15 ans ou plus sont interrogées. Des données sur le chômage mais aussi sur l’emploi sont fournies trimestriellement, deux mois après la fin de chaque trimestre.
En revanche, la Dares et Pôle Emploi publient une statistique des DEFM tous les mois. Cette statistique exhaustive est disponible moins d’un mois après la fin de chaque mois.
La nature (et les médias) ayant horreur du vide, les statistiques des demandeurs d’emploi (disponibles plus rapidement et plus fréquentes) se substituent donc régulièrement à celle des chômeurs.
source Dessine-moi l’éco
Le taux de chômage correspond au rapport des chômeurs à la population active. La population active regroupe la population active occupée (appelée aussi « population active ayant un emploi ») et les chômeurs. En conséquence, comme le taux de chômage dépend aussi de la population active, ses évolutions peuvent s’écarter de celle du chômage.
En 2015, en raison notamment d’une croissance économique qui reste atone, le taux de chômage atteint 10 % de la population active en France métropolitaine, soit un niveau inédit depuis le début des années 2000. Ce taux n’est cependant pas exceptionnel puisqu’il demeure inférieur aux pics enregistrés au milieu des années 1990.
Si la crise a porté le chômage à un niveau élevé, elle a surtout provoqué une véritable mutation au sein de la population des chômeurs. Des populations auparavant relativement peu exposées au chômage ont connu une forte dégradation de leur situation.
Hommes | Femmes | Ensemble | |
---|---|---|---|
Diplôme supérieur | 6,2 % | 6,0 % | 6,1 % |
Bac.+2 | 5,8 % | 5,6 % | 5,7 |
Bac. | 9,6 % | 10,6 % | 10,1 % |
CAP, BEP | 9,8 % | 10,3 % | 10,0 % |
Brevet des collèges | 14,5 % | 14,5 % | 14,5 % |
Aucun diplôme | 17,1 | 16,5 % | 16,8 % |
Ensemble | 10 % | 9,7 % | 9,8 % |
source : Insee |
La crise démarrée en 2008 a pénalisé en priorité les moins diplômés. Plus étonnant, elle a affecté une population auparavant relativement épargnée par le chômage, les hommes de 25 à 49 ans. En conséquence, le chômage est désormais majoritairement masculin.
La persistance de la crise a provoqué une hausse du chômage ainsi qu’un fort accroissement de sa durée. L’ancienneté moyenne d’inscription des demandeurs d’emploi des catégories A, B, et C a ainsi dépassé 500 jours en août 2013. Elle n’a cessé de progresser depuis et s’établit à 549 jours en mai 2015. Cette explosion du chômage est d’autant plus préoccupante que moins de la moitié des demandeurs d’emploi des catégories A, B et C est indemnisée. Ainsi, seuls 49,1 % des demandeurs d’emploi de ces catégories étaient indemnisés en juin 2014, contre 50,3 % en juin 2013. Pour les demandeurs d’emploi de catégorie A, la part des demandeurs d’emploi indemnisée atteignait 56,3 % en juin 2014 et 57,3 % en juin 2013
Bien que la France connaisse un chômage de masse depuis une trentaine d’année, celui-ci n’est pas une fatalité. Plusieurs pays sont en effet parvenus à inverser durablement la courbe de leur chômage sans nécessairement une croissance soutenue. Ainsi en 2015, le chômage s’établit aux alentours de 5 % en Allemagne, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Il est même inférieur à 4 % au Japon. A force de protéger les salariés, n’éloigne-t-on pas durablement de l’emploi des populations de plus en plus nombreuses ?
Titulaire d'un master en gestion de patrimoine et docteur en économie.