Qui sont les chômeurs ?

par Arnaud Sylvain | Economie

Juin 27

Chômage : l'échec français

Le chômage est au centre des débats et des préoccupations depuis plus de trente ans et l’apparition du chômage de masse en France. Sa définition reste cependant mal connue, de même que les populations concernées. Voici donc quelques éléments d’analyse pour vous aider à y voir plus clair.

 

Sommaire


 

Un chômeur n’est pas (toujours) un demandeur d’emploi

D’après la définition internationale adoptée en 1982 par le Bureau international du travail (BIT), un chômeur est une personne en âge de travailler (15 ans ou plus) qui répond simultanément à trois conditions :

  • être sans emploi, c’est à dire ne pas avoir travaillé au moins une heure durant une semaine de référence ;
  • être disponible pour prendre un emploi dans les 15 jours ;
  • avoir cherché activement un emploi dans le mois précédent ou en avoir trouvé un qui commence dans moins de trois mois.

Si les deux notions sont proches et parfois assimilées, les chômeurs et les demandeurs d’emploi sont deux populations distinctes.

Tous les mois, la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du Travail, de l’emploi et de la santé) et Pôle emploi publient conjointement une statistique des demandeurs d’emploi inscrits en fin de mois à Pôle emploi. Depuis mars 2009, la statistique mensuelle des demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi est disponible selon une présentation en cinq catégories (A à E).

  • La catégorie A regroupe les demandeurs sans emploi qui n’ont exercé aucune activité, même réduite, le mois précédent, et qui sont tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi.
  • Les catégories B et C regroupent les demandeurs d’emploi qui sont en activité réduite, courte ou longue, qui sont tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi.
  • Les catégories D et E concernent les demandeurs d’emploi non tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi car ils ne sont pas immédiatement disponibles, qu’ils soient en emploi (contrats aidés notamment) ou non (maladie, stages de formation…).
Demandeurs d’emploi au 31 décembre
2010 2012 2014
Cat. A 2 702 300 3 133 200 3 500 700
Cat. B et C 1 326 400 1 494 500 1 715 300
Cat. D et E 593 500 617 800 661 900
Total 4 622 200 5 245 500 5 877 900
source : Pôle emploi, Dares

Demandeurs d’emploi de catégorie A et chômeurs au sens du BIT : deux populations proches

Defm Cat. A et chômeurs BIT : une relative proximité

Conceptuellement, la catégorie A est celle qui est la plus proche de la définition du chômage au sens du BIT. Même si ces deux populations ne se recouvrent qu’imparfaitement, elles sont proches en niveau comme en évolution. L’analyse des demandeurs d’emploi de catégorie A fournit donc des informations relativement pertinentes sur les chômeurs au sens du BIT.

Pourquoi utiliser les statistiques des demandeurs d’emploi pour évaluer le chômage ?

Le chômage est mesuré à partir de l’enquête Emploi menée par l’INSEE. Chaque trimestre, environ 100 000 personnes de 15 ans ou plus sont interrogées. Des données sur le chômage mais aussi sur l’emploi sont fournies trimestriellement, deux mois après la fin de chaque trimestre.

En revanche, la Dares et Pôle Emploi publient une statistique des DEFM tous les mois. Cette statistique exhaustive est disponible moins d’un mois après la fin de chaque mois.

La nature (et les médias) ayant horreur du vide, les statistiques des demandeurs d’emploi (disponibles plus rapidement et plus fréquentes) se substituent donc régulièrement à celle des chômeurs.


Comment mesure-t-on le chômage ?

source  Dessine-moi l’éco


Taux de chômage au sens du BIT

Taux de chômage au sens du BIT - France métropolitaine

Le taux de chômage correspond au rapport des chômeurs à la population active. La population active regroupe la population active occupée (appelée aussi « population active ayant un emploi ») et les chômeurs. En conséquence, comme le taux de chômage dépend aussi de la population active, ses évolutions peuvent s’écarter de celle du chômage.

En 2015, en raison notamment d’une croissance économique qui reste atone, le taux de chômage atteint 10 % de la population active en France métropolitaine, soit un niveau inédit depuis le début des années 2000. Ce taux n’est cependant pas exceptionnel puisqu’il demeure inférieur aux pics enregistrés au milieu des années 1990.

Avec la crise, le chômage devient une affaire d’hommes

Si la crise a porté le chômage à un niveau élevé, elle a surtout provoqué une véritable mutation au sein de la population des chômeurs. Des populations auparavant relativement peu exposées au chômage ont connu une forte dégradation de leur situation.

  1. Alors que la population des chômeurs a toujours été majoritairement féminine depuis 1975 (date de début de la série), un basculement s’est opéré à partir de 2008. Les hommes sont désormais majoritaires au sein des chômeurs.
  2. Les hommes sont devenus majoritaires parmi les chômeurs en raison d’une dégradation sensible de la situation des hommes de 25-49 ans. Or, cette population était jusqu’à présent relativement épargnée par le chômage. Alors que son taux de chômage fluctuait autour de 8 % dans les années 90, il atteint désormais un pic historique de 9,5 %.
  3. Plus encore qu’avant la crise, le diplôme apparaît comme un rempart efficace contre le chômage. La crise a en effet particulièrement touché les populations les moins diplômées, à l’exception notable des femmes diplômées d’un CAP ou d’un BEP. Les taux de chômage des moins diplômés n’ont jamais été aussi élevés.
Taux de chômage
moyenne annuelle en 2013
Hommes Femmes Ensemble
Diplôme supérieur 6,2 % 6,0 % 6,1 %
Bac.+2 5,8 % 5,6 % 5,7 
Bac. 9,6 % 10,6 % 10,1 %
CAP, BEP 9,8 % 10,3 % 10,0 %
Brevet des collèges 14,5 % 14,5 % 14,5 %
Aucun diplôme 17,1 16,5 % 16,8 %
Ensemble 10 % 9,7 % 9,8 %
source : Insee

Taux de chômage en fonction du diplôme

Taux de chômage en fonction du diplôme

La crise démarrée en 2008 a pénalisé en priorité les moins diplômés. Plus étonnant, elle a affecté une population auparavant relativement épargnée par le chômage, les hommes de 25 à 49 ans. En conséquence, le chômage est désormais majoritairement masculin.

Le chômage de longue durée explose

Ancienneté d'inscription des demandeurs d'emploi (catégories A, B et C)

La persistance de la crise a provoqué une hausse du chômage ainsi qu’un fort accroissement de sa durée. L’ancienneté moyenne d’inscription des demandeurs d’emploi des catégories A, B, et C a ainsi dépassé 500 jours en août 2013. Elle n’a cessé de progresser depuis et s’établit à 549 jours en mai 2015. Cette explosion du chômage est d’autant plus préoccupante que moins de la moitié des demandeurs d’emploi des catégories A, B et C est indemnisée. Ainsi, seuls 49,1 % des demandeurs d’emploi de ces catégories étaient indemnisés en juin 2014, contre 50,3 % en juin 2013. Pour les demandeurs d’emploi de catégorie A, la part des demandeurs d’emploi indemnisée atteignait 56,3 % en juin 2014 et 57,3 % en juin 2013

Le chômage, une fatalité ?

Bien que la France connaisse un chômage de masse depuis une trentaine d’année, celui-ci n’est pas une fatalité. Plusieurs pays sont en effet parvenus à inverser durablement la courbe de leur chômage sans nécessairement une croissance soutenue. Ainsi en 2015, le chômage s’établit aux alentours de 5 % en Allemagne, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Il est même inférieur à 4 % au Japon. A force de protéger les salariés, n’éloigne-t-on pas durablement de l’emploi des populations de plus en plus nombreuses ?

 
Arnaud Sylvain, conseiller financier indépendant

Titulaire d'un master en gestion de patrimoine et docteur en économie.

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