Alors que l’investissement locatif est très largement financé à crédit, cette pratique est très peu utilisée par les investisseurs en Bourse.
Dans un contexte où les taux sont bas et la fiscalité des placements financiers plus douce que celle de l’immobilier, ne serait-il pas pertinent de s’endetter pour investir dans des placements financiers ? Non.
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Lorsque vous vous endettez, c’est pour acquérir maintenant un bien ou un service avec votre épargne future. Pourquoi s’endetter ? Parce que votre épargne est insuffisante et qu’il vous faudrait trop de temps pour pouvoir acquérir ce bien ou ce service comptant. Alors, dans quoi investir ? Le recours à l’endettement est ainsi une évidence dans l’immobilier où rares sont ceux qui acquièrent leur résidence principale sans recourir au crédit.
Dans le cadre de l’investissement locatif, l’endettement permet d’acquérir un bien et de bénéficier d’un rendement immédiat sous la forme de loyers. Ces loyers couvriront largement le montant des intérêts et des frais associés, et le crédit contracté coûtera donc moins que ce qu’il rapportera. Ce sera donc une opération rentable. Mieux, ces loyers couvriront souvent une partie du capital (voire l’intégralité dans certaines simulations).
C’est un résumé simple et la réalité est parfois un peu plus complexe, mais le principe de l’endettement dans l’investissement locatif est là : il s’agit de s’endetter pour ensuite faire financer au maximum le bien par les locataires. Cet objectif sera d’autant plus facilement atteint que les taux d’intérêt seront bas et que la durée du crédit sera longue (plus le taux d’intérêt est bas et la durée du crédit longue, plus la mensualité est faible et plus à même d’être couverte par le loyer perçu).
Dans le cadre de placements financiers, il s’agirait de s’endetter pour se faire ensuite financer par les revenus versés (dividendes des actions et intérêts des obligations). Pourquoi vouloir répliquer le schéma de l’endettement immobilier aux marchés financiers ?
Les gains tirés de la location d’un patrimoine immobilier sont imposés avec les autres revenus, au taux marginal d’imposition du propriétaire. Ils sont en plus soumis chaque année aux prélèvements sociaux de 17,2 %.
Les plus-values sont quant à elles imposées à 19 % puis subissent les prélèvements sociaux à hauteur de 17,2 %. Des abattements existent néanmoins en fonction de la durée de détention du bien. L’imposition sur la plus value est ainsi nulle après 22 ans tandis qu’il faut attendre 30 ans pour une exonération totale des prélèvements sociaux.
Les gains tirés d’un placement financier sont taxés au choix au Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU) de 30 % (impôt de 12,8 % + prélèvements sociaux de 17,2 %) ou à l’impôt sur le revenu (option plus favorable si la Tranche Marginale d’Imposition est inférieure à 12,8 %). Certains placements financiers tels que le PEA ou l’assurance vie bénéficient même d’une fiscalité encore plus favorable.
N’oublions pas non plus que l’ISF (impôt de Solidarité sur la Fortune) a été remplacé par l’IFI, Impôt sur la Fortune Immobilière.
Dès lors, à rendement avant impôt équivalent, les placements financiers pourront procurer un rendement après impôt significativement supérieur.
Il existe deux types de crédit aux particuliers :
Le crédit non affecté se différencie du crédit affecté par sa polyvalence. C’est avec ce type de crédit que vous pourrez vous endetter pour placer sur les marchés financiers.
Le crédit à la consommation diffère néanmoins du crédit immobilier dans son montant, sa durée et son taux.
Même si le Haut Conseil de la Stabilité financière a récemment recommandé de se limiter à 25 ans, il est possible de financier l’acquisition d’un bien immobilier sur une durée de 30 ans. Qu’en est-il des prêts à la consommation ?
Il n’y a pas de durée maximale d’emprunt clairement inscrite dans le Code de la consommation mais il existe en pratique des règles implicites. Ainsi, il est difficile de pouvoir rembourser un crédit non affecté sur une durée supérieure à 7 ans (84 mois).
Si la durée d’un prêt personnel est plus courte que celle d’un crédit immobilier, son montant est également bien moindre puisqu’il est limité à 75 000 euros.
Les taux d’intérêt des crédits à la consommation sont en revanche incomparablement plus élevés que ceux des crédits immobiliers. Alors qu’il est possible de financer un bien immobilier sur une durée de 25 ans à un taux de l’ordre de 1,5 %, vous ne trouverez pas de crédit non affecté d’un montant de 75 000 euros à un taux inférieur à 5 %.
Durée des crédits immobiliers : les recommandations du Haut Conseil de stabilité Financière
Dans sa recommandation n° R-HCSF-2019-1 relative aux évolutions du marché immobilier résidentiel en France en matière d’octroi de crédit du 20 décembre 2019, le HCSF
« recommande aux établissements de crédit et aux sociétés de financement que pour leur production de crédits immobiliers, ils fassent preuve de prudence en se conformant aux bonnes pratiques usuelles qui garantissent la robustesse du modèle de financement du logement prévalant en France et de prévenir une dynamique excessive de l’endettement des ménages en prenant notamment en considération les critères suivants dans l’octroi des crédits immobiliers résidentiels en France :
(i) le taux d’effort à l’octroi des emprunteurs de crédit immobilier en veillant à ce que dernier n’excède pas 33 % ;
(ii) la maturité du crédit à l’octroi en veillant à ce qu’elle n’excède pas 25 ans.
La prise en compte conjointe de ces critères à l’octroi apparaît comme une bonne pratique. »
Vous l’aurez compris, emprunter pour investir en Bourse est possible mais ce n’est absolument pas recommandé. Les conditions d’emprunt sont trop défavorables et nécessitent un rendement trop élevé pour que l’opération soit pertinente. Le jeu n’en vaut pas la chandelle.
Compte tenu des conditions d’emprunt, il n’est pas envisageable que le rendement de votre portefeuille couvre une partie significative de vos mensualités de crédit.
Ainsi par exemple, si vous empruntez 75 000 euros à 1,5 % sur 20 ans, vos mensualités seront de l’ordre de 360 euros, soit l’équivalent d’un rendement brut de 5,8 % (360 euros x 12 mois / 75 000 euros). Un autofinancement de l’ordre de 70 à 80 % est envisageable (les mensualités ne vous coûtent réellement que 25 à 20 % de leur montant, le reste étant financé par votre locataire).
Si vous empruntez 75 000 euros à 5 % sur 7 ans, vos mensualités atteindront 1 060 euros, soit un rendement brut de votre portefeuille de 17 % (1 060 euros x 12 mois / 75 000 euros). L’autofinancement ne dépassera vraisemblablement pas 20 à 30 %, et vous devrez donc chaque mois débourser 70 à 80 % des mensualités.
Le taux des crédits non affectés est tellement élevé que compte tenu de sa courte durée, il n’est même pas certain que le rendement de votre portefeuille dépasse sur la période le montant des intérêts que vous acquitterez. N’oubliez pas qu’en matière de placements financiers, un rendement élevé n’est pas compatible avec un horizon temporel court. Sur un horizon de l’ordre de 7 ans, il est très risqué de rechercher un rendement de l’ordre de 5 %.
Si le rendement de votre portefeuille ne couvre même pas les intérêts, l’effet de levier du crédit se transformera en effet massue et le recours à l’endettement vous aura fait perdre de l’argent. Ce n’est bien évidemment pas l’objectif recherché.
Par ailleurs, il est bien plus compliqué pour un néophyte d’investir sur les marchés financiers que dans l’immobilier. Alors que vous disposez généralement d’une idée assez claire des loyers que vous percevrez en investissant dans l’immobilier (lorsque vous investissez dans un bien déjà loué par exemple), le rendement de votre portefeuille sera d’autant plus incertain que vos connaissances seront limitées. Perdre ses économies est désagréable mais perdre l’argent d’un crédit peut se révéler catastrophique.
Il est possible de s’endetter pour investir dans des placements financiers mais c’est assurément une mauvaise idée. Pourquoi ?
Parce que le rendement nécessaire pour que l’opération soit rentable n’est pas compatible avec la durée du crédit. La prise de risque est trop importante.
Ainsi, s’endetter pour investir dans des cryptomonnaies comme le font 20 % des investisseurs aux États-Unis est une folie.
Titulaire d'un master en gestion de patrimoine et docteur en économie.